L'INOPINE

Vidéo et costume, 2005
Série les indigents / 16mn30

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C’est d’y croire Une situation incongrue : une saillie.
Sous couvert de dentelles blanches. Un importun clinquant en costume trois pièces. Costume ambigu, oscillant entre le proprement ridicule et le très certainement joli. Une silhouette fluette, fragile et des gestes minimalistes, souvent réduits à des postures. Du Dandy aux personnages incarnés par Buster Keaton, on regarde un individu qui ne fait rien, observe, qui pose, se déplace ou s’excite tout au plus. Dans sa ballade, il arpente des territoires complètements déserts comme abandonnés (rase campagne flamande/ station balnéaire hors saison), comme s’il s’agissait d’en prendre possession, de les mesurer ou d’y chercher un adversaire, tel un autre Don Quichotte. Comme s’il s’agissait de se sentir : s’anime, se meut, s’incite, s’inspire, se stimule, s’encourage à tous vents. Une représentation silencieuse, dans l’attente. Un protagoniste qui tantôt aguiche, tantôt oublie, abandonné à une mésaventure invisible. Un protagoniste du vide, qui meuble, remue les nappes d’air. Des flashs réguliers s’insèrent brièvement dans cette fragile narration, interrompant le cours, le glissement de la vidéo : des images figées du personnage, manifestement dans l’expectative de quelque chose, comme en proie à lui-même ou à un rapport quelconque au monde ; d’autres figées dans des activités complètements décalées, sportives ou loufoques ; d’autres encore, figées dans des lieux dans lequel il devient amorphe, bibelot au regard écarquillé. Le champ d’action se déploie presque maladivement, l’acte est là, sans suite, étrangement dérisoire. Si raison, il y avait, ce serait de faire une montagne de tout un tas d’insignifiances ; si but, il fallait entrevoir, ce serait de ne jamais en avoir un. Le tout syncopé, un temps indéfinissable, bien que ponctué d’horaires parfois. La plus grande partie se situant entre silence et tintamarre, dans l’immensité des paysages, l’incongru du personnage qui ici, s’exagère. Les déplacements et présences, ponctués presque systématiquement mais discrètement par le son, comme si exagérer serait ici la seule façon de voir. Comme si l’invisible s’essayait au réel par le son et la grimace et que le reste ne serait rien d’autre que cela justement ; des théâtres qui s’étale sans chair comestible à offrir le plus souvent, des aperçus grossiers du vivace. Et quel en serait l’objet ? À part l’incongru, quel enjeu à distinguer, l’espace de quelques minutes ? Peut-être, celui de soi-même, se rappelant d’arpenter avec démesure, hardiesse, l’auréole que créé le regard. Celui même qui aujourd’hui tangue distraitement et absorbe sans objet. Derrière la panoplie, de haut, de là, l’inopiné, distinguer une raison d’être ? Chichement, voici un endroit, par l’entremise de cette inopinée conduite, où éventuellement se tenir : celle même d’une appétence. Et si c’est consistance idiote, c’est aussi un instant propre et arraché à la conscience du monde alentour. Le comique est ici ténu, presque désespéré d’éclore; la poésie râpée par le ridicule et la mélancolie.

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Personnage > Jean-Baptiste Delannoy
Costume > pantalon, veste, chemise, cravate en dentelle blanche élastique.
Lieux de tournage > Maison particulière, Téteghem / Campagne flamande, Les Moëres / Digue de mer, Bray-Dunes > France / Centre ville de Bruxelles > Belgique
Bande sonore > Nappe de base composée par Nicolas Brygo (Flûte / Balafon / Basse / Guitare sèche) / samples > Julien Brygo (Basse) Maxime Dupont (Balafon) Jessika Laranjo (voix, flûte, bruitages, etc.)

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Extrait :
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